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quarta-feira, 18 de fevereiro de 2015

Le laboratoire entre au musée



Face aux contraintes de l’analyse d’œuvres d’art dans les musées, les chercheurs disposent aujourd'hui d'un vaste panel de spectromètres et de colorimètres afin de plonger au cœur des tableaux et de leurs pigments... sans avoir à les déplacer.


Analyse en cours sur une enluminure conservée au Fitzwilliam Museum à Cambridge (Angleterre).




De nombreuses analyses réclament de prélever des échantillons, mais comment faire lorsque l’objet d’étude est un inestimable tableau de maître ? La science offre différentes options pour travailler sur des œuvres qu’il faut déplacer le moins possible et ne surtout pas endommager. Le Laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale (Lams)1, à Paris, construit ainsi depuis trois ans un laboratoire mobile capable de révéler les secrets des peintures, sans prélèvement et à l’intérieur même des musées.
Un dispositif d’analyse des œuvres transportable

Certains appareils de ce laboratoire ont été développés pour ne peser que quelques kilos et tenir dans des valises. Le tout est si flexible qu’il devient possible d’analyser un tableau sans avoir à le décrocher. En règle générale, c’est le Lams qui sollicite les musées en fonction de leurs collections. Les chercheurs peuvent ainsi étudier l’histoire des techniques liées à la couleur, non seulement dans l’art, mais aussi dans les domaines cosmétiques et pharmaceutiques. Ils s’attachent aussi à réaliser des datations et s’intéressent aux processus de vieillissement et d’altération des matériaux, notamment d’origine biologique.
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Analyse en cours au musée des Beaux-Arts de Rouen sur un tableau de Nicolas Poussin (Vénus montrant ses armes à Enée, 1639).
LAMS / CNRS
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D’autres machines sont conçues sur place afin d’être parfaitement adaptées à l’analyse des peintures. Cela permet de s’assurer qu’aucun dégât ne sera causé et rend possible le travail sur des œuvres de grandes dimensions. La diversité des appareils permet de combiner leurs spécificités pour mieux répondre aux problématiques étudiées au Lams.
L’influence de la science sur les tableaux de Nicolas Poussin

« Notre appareil de diffraction des rayons X associé à la fluorescence X permet une analyse cristallographique directement sur un tableau, s’enthousiasme Philippe Walter, directeur de recherche au Lams et professeur invité au Collège de France en 2014. Cela permet d’identifier des pigments difficiles à détecter autrement, comme le lapis-lazuli, qui est utilisé pour sa couleur bleue. Nous travaillons également sur le blanc de plomb, un carbonate de plomb aussi appelé céruse. Sa complexité passionnante et l’étude des textes nous informent sur la qualité des différentes recettes utilisées depuis l’Antiquité. »
Notre appareil
de diffraction
des rayons X permet
une analyse cristallographique directement
sur un tableau.


« Le peintre a un projet en tête, mais ses gestes sont contraints par le matériel et les matériaux à sa disposition, poursuit le scientifique. Nous cherchons à mieux comprendre cette relation. Actuellement, nous travaillons, par exemple, sur Nicolas Poussin pour voir l’influence des nouvelles théories scientifiques du XVIIe siècle sur un artiste important de cette époque. Il fréquentait, en effet, à Rome les sphères intellectuelles influencées par les découvertes de Galilée. Cela se retrouve dans sa représentation de l’atmosphère d’un orage avec une superposition de matière et de sous-couches, ou dans son utilisation de pigments jaunes différents pour représenter les parties claires ou l’ombre d’un manteau jaune. »


Ces recherches sur Nicolas Poussin ont conduit les chercheurs aussi bien au Fitzwilliam Museum de Cambridge qu’au musée des Beaux-Arts de Rouen, et les conduiront bientôt au National Museum of Wales de Cardiff.
Un nouvel éclairage sur le fameux sfumato

« L’enjeu est de comprendre l’évolution du goût et de la culture tels qu’ils étaient contraints par les matières à disposition des artistes et des artisans, précise Philippe Walter. Le XIXe siècle a ainsi vu l’invention de la mauvéine par William Perkin. Il s’agit du premier colorant de synthèse de l’histoire. Le mauve n’existait jusqu’alors tout simplement pas. Il a suscité un vif engouement dans la peinture, le textile et même la poésie. Cette mode a culminé lorsque la reine Victoria s’est mise à porter du mauve, tout comme, plus tard, l’impératrice Eugénie. »



Photo d’un tissu teinté par la mauvéine dans un ouvrage de chimie des colorants daté de 1870 environ.
LAMS / CNRS
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L’apparition des pigments de synthèse et de la peinture en tube au XIXe siècle a radicalement changé le rapport entre le peintre et la matière. Aujourd’hui, les artistes ont à leur disposition une foule de liants et de pigments comparé au nombre limité de pigments que Léonard de Vinci préparait lui-même à son époque. En 2010, l’équipe de Philippe Walter, alors rattachée au Centre de recherche et de restauration des musées de France (LC2RMF)2, en collaboration avec l’ESRF3 de Grenoble et le musée du Louvre, avait pu apporter un nouvel éclairage sur le fameux sfumato du maître grâce à une étude chimique quantitative des couches de peinture. Sept tableaux attribués à Léonard de Vinci avaient alors été analysés, sans prélèvement, directement dans les salles du musée du Louvre : L’Annonciation, La Vierge aux rochers, La Belle Ferronnière, Sainte Anne, La Vierge et l’Enfant, La Joconde, Saint Jean-Baptiste, Bacchus.



https://www.dailymotion.com/video/x2h0fjx_la-joconde-a-moins-de-secrets_tech


video_Walter_Joconde


Le prochain déplacement du laboratoire mobile a pour destination le Musée national du Bardo, à Tunis. Philippe Walter et sa collègue Laurence de Viguerie s’y rendront avec François Baratte, enseignant-chercheur à l’université Paris-Sorbonne et certains de ses collègues de l’unité Orient et Méditerranée4pour analyser des restes de polychromie sur des marbres romains. L’utilisation de la couleur sur ces statues est moins bien connue que pour leurs cousines grecques et demande donc de nouvelles études. Or les collections du Bardo comportant plus de 3 000 objets en marbre, il est impensable de les déplacer. La seule solution est donc que les chercheurs franchissent la Méditerranée. Difficile de douter de l’intérêt d’un laboratoire mobile dans ces conditions.

En librairie :

Sur la palette de l’artiste. La physico-chimie dans la création artistique,
Philippe Walter, Collège de France/Fayard, coll. « Leçons inaugurales du Collège de France »,
novembre 2014 , 80 p., 10,20 €
Notes



Coulisses

L’équipe du laboratoire mobile du LAMS s’intéresse tout particulièrement à la polychromie et à sa réception dans le cadre d’un programme interdisciplinaire, coordonné par Philippe Walter et Charlotte Ribeyrol qui est enseignant-chercheur à l’université Paris-Sorbonne. Trois périodes retiennent le gros de l’attention du LAMS : la préhistoire, l’antiquité grecque et le XIXe siècle anglais. La chimie et l’histoire de l’art y sont épaulées par la littérature et les sources historiques.


fonte: @edisonmariotti #edisonmariotti https://lejournal.cnrs.fr/articles/le-laboratoire-entre-au-musee

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