Si certaines expositions passées du musée Guimet, à Paris, consacrées à la Chine, se sont révélées décevantes, c’est sans réserves que l’on peut conseiller l’expo « Splendeur des Han », qui marque le cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine populaire et la France.
27 musées chinois ont prêté plus de 200 objets d’importance et un travail remarquable de présentation a été réalisé notamment par le commissaire de l’exposition, Eric Lefèvre.
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
Disposition et éclairage des objets, mais aussi utilisation optimale de surfaces réduites qui contraignent nécessairement les ambitions mais qui n’ont pas limité les supports d’information.
Cheval de bronze (Musée Guimet)
Un diaporama nous montre également les tombes lors de leur ouverture avec tout ce qui est nécessaire pour le voyage dans l’au-delà. L’archéologie est celle des tombes car les bâtiments et les villes ont disparu même si l’on fouille de façon plus systématique les fondations des villes et notamment de la capitale Chang’an.
Cette exposition réussit à nous montrer une synthèse très complète de la vie politique, économique, intellectuelle et militaire des 400 ans de la Chine des Han et surtout de son art de vivre.
Les Han et Chang’an leur capitale
Michèle Pirazzoli- t’Serstevens sait nous présenter la Chine des Han. Directeur d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, où j’ai eu la chance d’être son élève, elle a écrit un ouvrage remarquable sur le sujet « La Chine des Han » (Office du Livre, 1982) :
« Au cours des quatre siècles de son histoire, la dynastie des Han (206 av –220 ap JC) a mis en place les principales structures politiques, économiques, sociales et culturelles qui caractérisent le monde chinois pendant deux millénaires.
L’empire Han fut l’époque romaine de la Chine…Cette monarchie autocratique, fortement centralisée et hiérarchisée, va s’appuyer sur une idéologie confucéenne syncrétique, véritable pôle d’unité et régulateur moral de la société.
L’élite lettrée qui adhère massivement à cette idéologie va peu à peu se constituer en une classe sociale puissante et accaparer les charges administratives comme les leviers économiques de l’Etat. La bureaucratie ainsi formée survivra à la dynastie et constituera l’un des facteurs de pérennité et de stabilité de la société chinoise jusqu’au XXème siècle ».
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
L’empereur Qin, Shihuangdi, meurt en 210 av. JC, mondialement célèbre depuis quelques années pour son armée de terre cuite ; il a unifié un empire de 60 millions d’habitants, protégé les frontières avec une grande muraille, développé routes et canaux ainsi que l’agriculture, enfin détruit l’ancien système féodal.
La nouvelle dynastie, celle des Han, est née d’une rébellion contre les excès de Qin, la rigueur du système, la démesure des travaux et des énormes transferts de population ; mais elle a hérité de l’organisation politique d’une Chine unifiée et d’une capitale.
De cette capitale, Chang’an, près de l’actuelle cité de Xian, il ne subsiste pratiquement rien . Et pourtant la ville était entourée d’une muraille de terre damée de 16 m d’épaisseur à la base et de 25 km. de long ; les deux- tiers de la superficie était occupée par les palais.
C’était l’une des plus grandes villes du monde à son époque. Le sud-ouest de la ville était occupé par un immense parc et réserve de chasse, le Shanglin yuan, où étaient réunies toutes les espèces du monde connu végétal et animal.
Les archéologues pourront travailler pendant des siècles sur les tombes impériales et leurs énormes tumulus, car pratiquement rien n’a été fouillé..
L’armée et les « barbares »
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
On est bien informé sur l’armée et les armements par les fantassins de l’armée de Qin mais aussi par de plus petites figurines (dont une dizaine sont présentées), celles de la tombe de Yangjiawan où l’on a trouvé 1800 fantassins et 500 cavaliers.
Les relations avec les « barbares » de Mongolie, les Xiongnou, sont évoquées de manière un peu elliptique. Les Xiongnous envahissent le nord de l’empire et les armées chinoises, vaincues en 201 près de l’actuel Datong, doivent signer un pacte et payer des tributs, ce qui ne règle rien car les Xiongnous, quarante ans plus tard, parviennent à 150 km de la capitale.
Ce sera la grande affaire du règne de Wudi (140-87 av. JC) que de repousser ces « barbares », notamment en pénétrant en Asie centrale pour s’assurer d’alliés sur leur flanc ouest (mission de Zhang Qian).
Il fallait aussi se procurer des chevaux, des chevaux superbes comme leur représentation en bronze du site de Leitai. L’exposition ne s’étend pas sur la conquête du royaume des Dian et l’on est un peu frustré de ne pas retrouver plus nombreux les bronzes splendides du musée de Kunming (Yunnan).
L’art de vivre
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
Les princes qui ont perdu leur pouvoir politique, conservent le produit de certains impôts et mènent grand train. Des pièces exceptionnelles proviennent de la tombe de Mancheng (au sud de Pékin) : deux vases en bronze, or et argent, qui servaient à conserver les boissons fermentées et un magnifique brûle-parfum incrusté d’or, une reproduction en miniature des montagnes sacrées.
Plusieurs pièces proviennent des tombes de Mawangdui près de Changsha (Hunan) ; les tombes d’une famille : Li Cong, marquis de Dai, sa femme et l’un de leurs fils. La tombe de la marquise, située au fond d’une grande fosse avec plusieurs cercueils emboîtés (dont l’un en bois laqué), protégés par une couche de charbon de bois puis d’un mètre d’argile.
Cette isolation explique l’état de conservation exceptionnel du corps de la marquise, de textiles et de laques splendides et de tous les objets nécessaires à la vie quotidienne, qui ont été retrouvés. Par contre la fameuse bannière en soie peinte, centrée vers le passage vers l’au- delà, n’est pas présentée.
La vie économique et l’écriture
Le développement de l’agriculture et les avancées techniques (outils en fer, socs de charrue, travaux d’irrigation) ont un impact considérable sur la société chinoise. Le contrôle étatique se développe avec le monopole d’Etat sur le sel et le fer en 119 av. JC puis celui sur les boissons alcoolisées. Des manufactures gouvernementales sont créées également pour la fabrication des laques.
L’exposition nous montre les monnaies et leur fabrication ; à un monopole et à l’unification de l’époque de Qin, a succédé la possibilité pour chaque fief de battre monnaie, ce qui fut finalement interdit en 112 av. JC.
Nous sommes dans une civilisation de l’écrit ; pinceaux, encre, pierres à encre, estampage des stèles en pierre, tout cela est fort bien présenté. Les tombes fournissent de grandes quantités de tablettes en bois et en bambou, des liens les fixant entre elles. La soie est également un support de textes et d’archives. Mais c’est le papier, l’une des inventions majeures de la Chine, qui va jouer un rôle important.
Les arts et l’au delà
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
Les figures funéraires des danseuses sont particulièrement belles avec leurs robes aux longues manches. De nombreux instruments de musique sont présentés : cithare, cloches mais aussi pierres sonores et surtout carillon de cloches en bronze (19 cloches), dépourvues de battant, suspendues à une poutre en bois et disposées en ordre croissant de tonalité.
Faute de place, on ne peut évoquer les textes concernant les conceptions dualistes de l’âme, les rituels, l’évocation du ciel et les immortels mais on mentionnera une pièce phare de l’exposition : le costume en jade, cousu de fils d’or, découvert il y a vingt ans près de Xuzhou (Jiangsu).
On attribuait au jade la faculté de favoriser l’immortalité de l’âme et l’intégrité du corps ; ce costume de jade réalisé pour le troisième prince de Chu, se compose de 4248 plaquettes de jade et de fils d’or (de près de trois livres).
Enfin, il faut mentionner que cette belle exposition est accompagnée d’une journée d’études le 4 décembre, de plusieurs conférences et d’un bon catalogue. L’auditorium du musée, dirigé par Hubert Laot a préparé une série de documentaires et de films de fiction, un très beau programme.
27 musées chinois ont prêté plus de 200 objets d’importance et un travail remarquable de présentation a été réalisé notamment par le commissaire de l’exposition, Eric Lefèvre.
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
Disposition et éclairage des objets, mais aussi utilisation optimale de surfaces réduites qui contraignent nécessairement les ambitions mais qui n’ont pas limité les supports d’information.
Cheval de bronze (Musée Guimet)
Un diaporama nous montre également les tombes lors de leur ouverture avec tout ce qui est nécessaire pour le voyage dans l’au-delà. L’archéologie est celle des tombes car les bâtiments et les villes ont disparu même si l’on fouille de façon plus systématique les fondations des villes et notamment de la capitale Chang’an.
Cette exposition réussit à nous montrer une synthèse très complète de la vie politique, économique, intellectuelle et militaire des 400 ans de la Chine des Han et surtout de son art de vivre.
Les Han et Chang’an leur capitale
Michèle Pirazzoli- t’Serstevens sait nous présenter la Chine des Han. Directeur d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, où j’ai eu la chance d’être son élève, elle a écrit un ouvrage remarquable sur le sujet « La Chine des Han » (Office du Livre, 1982) :
« Au cours des quatre siècles de son histoire, la dynastie des Han (206 av –220 ap JC) a mis en place les principales structures politiques, économiques, sociales et culturelles qui caractérisent le monde chinois pendant deux millénaires.
L’empire Han fut l’époque romaine de la Chine…Cette monarchie autocratique, fortement centralisée et hiérarchisée, va s’appuyer sur une idéologie confucéenne syncrétique, véritable pôle d’unité et régulateur moral de la société.
L’élite lettrée qui adhère massivement à cette idéologie va peu à peu se constituer en une classe sociale puissante et accaparer les charges administratives comme les leviers économiques de l’Etat. La bureaucratie ainsi formée survivra à la dynastie et constituera l’un des facteurs de pérennité et de stabilité de la société chinoise jusqu’au XXème siècle ».
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
L’empereur Qin, Shihuangdi, meurt en 210 av. JC, mondialement célèbre depuis quelques années pour son armée de terre cuite ; il a unifié un empire de 60 millions d’habitants, protégé les frontières avec une grande muraille, développé routes et canaux ainsi que l’agriculture, enfin détruit l’ancien système féodal.
La nouvelle dynastie, celle des Han, est née d’une rébellion contre les excès de Qin, la rigueur du système, la démesure des travaux et des énormes transferts de population ; mais elle a hérité de l’organisation politique d’une Chine unifiée et d’une capitale.
De cette capitale, Chang’an, près de l’actuelle cité de Xian, il ne subsiste pratiquement rien . Et pourtant la ville était entourée d’une muraille de terre damée de 16 m d’épaisseur à la base et de 25 km. de long ; les deux- tiers de la superficie était occupée par les palais.
C’était l’une des plus grandes villes du monde à son époque. Le sud-ouest de la ville était occupé par un immense parc et réserve de chasse, le Shanglin yuan, où étaient réunies toutes les espèces du monde connu végétal et animal.
Les archéologues pourront travailler pendant des siècles sur les tombes impériales et leurs énormes tumulus, car pratiquement rien n’a été fouillé..
L’armée et les « barbares »
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
On est bien informé sur l’armée et les armements par les fantassins de l’armée de Qin mais aussi par de plus petites figurines (dont une dizaine sont présentées), celles de la tombe de Yangjiawan où l’on a trouvé 1800 fantassins et 500 cavaliers.
Les relations avec les « barbares » de Mongolie, les Xiongnou, sont évoquées de manière un peu elliptique. Les Xiongnous envahissent le nord de l’empire et les armées chinoises, vaincues en 201 près de l’actuel Datong, doivent signer un pacte et payer des tributs, ce qui ne règle rien car les Xiongnous, quarante ans plus tard, parviennent à 150 km de la capitale.
Ce sera la grande affaire du règne de Wudi (140-87 av. JC) que de repousser ces « barbares », notamment en pénétrant en Asie centrale pour s’assurer d’alliés sur leur flanc ouest (mission de Zhang Qian).
Il fallait aussi se procurer des chevaux, des chevaux superbes comme leur représentation en bronze du site de Leitai. L’exposition ne s’étend pas sur la conquête du royaume des Dian et l’on est un peu frustré de ne pas retrouver plus nombreux les bronzes splendides du musée de Kunming (Yunnan).
L’art de vivre
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
Les princes qui ont perdu leur pouvoir politique, conservent le produit de certains impôts et mènent grand train. Des pièces exceptionnelles proviennent de la tombe de Mancheng (au sud de Pékin) : deux vases en bronze, or et argent, qui servaient à conserver les boissons fermentées et un magnifique brûle-parfum incrusté d’or, une reproduction en miniature des montagnes sacrées.
Plusieurs pièces proviennent des tombes de Mawangdui près de Changsha (Hunan) ; les tombes d’une famille : Li Cong, marquis de Dai, sa femme et l’un de leurs fils. La tombe de la marquise, située au fond d’une grande fosse avec plusieurs cercueils emboîtés (dont l’un en bois laqué), protégés par une couche de charbon de bois puis d’un mètre d’argile.
Cette isolation explique l’état de conservation exceptionnel du corps de la marquise, de textiles et de laques splendides et de tous les objets nécessaires à la vie quotidienne, qui ont été retrouvés. Par contre la fameuse bannière en soie peinte, centrée vers le passage vers l’au- delà, n’est pas présentée.
La vie économique et l’écriture
Le développement de l’agriculture et les avancées techniques (outils en fer, socs de charrue, travaux d’irrigation) ont un impact considérable sur la société chinoise. Le contrôle étatique se développe avec le monopole d’Etat sur le sel et le fer en 119 av. JC puis celui sur les boissons alcoolisées. Des manufactures gouvernementales sont créées également pour la fabrication des laques.
L’exposition nous montre les monnaies et leur fabrication ; à un monopole et à l’unification de l’époque de Qin, a succédé la possibilité pour chaque fief de battre monnaie, ce qui fut finalement interdit en 112 av. JC.
Nous sommes dans une civilisation de l’écrit ; pinceaux, encre, pierres à encre, estampage des stèles en pierre, tout cela est fort bien présenté. Les tombes fournissent de grandes quantités de tablettes en bois et en bambou, des liens les fixant entre elles. La soie est également un support de textes et d’archives. Mais c’est le papier, l’une des inventions majeures de la Chine, qui va jouer un rôle important.
Les arts et l’au delà
Sculpture de l’époque Han (Musée Guimet)
Les figures funéraires des danseuses sont particulièrement belles avec leurs robes aux longues manches. De nombreux instruments de musique sont présentés : cithare, cloches mais aussi pierres sonores et surtout carillon de cloches en bronze (19 cloches), dépourvues de battant, suspendues à une poutre en bois et disposées en ordre croissant de tonalité.
Faute de place, on ne peut évoquer les textes concernant les conceptions dualistes de l’âme, les rituels, l’évocation du ciel et les immortels mais on mentionnera une pièce phare de l’exposition : le costume en jade, cousu de fils d’or, découvert il y a vingt ans près de Xuzhou (Jiangsu).
On attribuait au jade la faculté de favoriser l’immortalité de l’âme et l’intégrité du corps ; ce costume de jade réalisé pour le troisième prince de Chu, se compose de 4248 plaquettes de jade et de fils d’or (de près de trois livres).
Enfin, il faut mentionner que cette belle exposition est accompagnée d’une journée d’études le 4 décembre, de plusieurs conférences et d’un bon catalogue. L’auditorium du musée, dirigé par Hubert Laot a préparé une série de documentaires et de films de fiction, un très beau programme.
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