Le musée Guimet à Paris présente, jusqu'au 13 septembre, une rétrospective du prolifique travail photographique de Araki. Ce Japonais pittoresque est particulièrement connu pour ses photos érotiques. Mais c’est une véritable encyclopédie photographique d’un talent rare que le musée nous donne l’occasion de découvrir dans une exposition à la frontière de l’intime, sobrement intitulée Araki. Au dernier étage du musée, un maître de bambou japonais présente, quant à lui, une œuvre éphémère à ne pas manquer.
Après le décès de sa femme en janvier 1990, Araki s’est mis à photographier les ciels comme s’il y cherchait une vaine réponse, un dernier réconfort. Il a 76 ans et depuis qu’il se sait malade, il peint à même la diapositive de ses clichés comme de la calligraphie. Auparavant, le truculent monsieur, qui dit mentir beaucoup, s’était retrouvé condamné et censuré dans son propre pays dans les années 1980 pour ses photos provocantes.
L'exposition au musée Guimet, Araki, risque de choquer quelques regards sensibles. Il fut un temps d’ailleurs où les ouvrages photographiques de cet étonnant Japonais n’étaient disponibles qu’au rayon érotisme des librairies spécialisées telles Le regard moderne à Paris. Un regard moderne d'ailleurs, c'est bien ce qui transparait de cette rétrospective sur l’immense qualité du travail de Araki. Ce photographe est entré dans la modernité à coups de clichés avec son appareil argentique et ses diapos. Et ce bien avant notre société influencée par l’iPhone qui déclenche à tout va que ce soit dans le domaine culinaire ou sexuel. Lui l’a fait avant tout le monde !
« Le déclic de l’obturateur comme un battement de cœur »
« Araki est un écrivain en photographie, car bien avant de photographier il a publié. Plus de 500 ouvrages ! », explique Jérome Neutres qui a codirigé l’exposition. Son style ? Le journal intime. Pour ce monsieur, toujours avec son appareil photo, « le déclic de l’obturateur est comme un battement de cœur. Il en a un besoin vital. » Comme un rouleau japonais, on déroule sa première œuvre : Voyage sentimental, en 1971, est constituée d’une centaine de photos. C’était son histoire d'amour, sa lune de miel qu’il avait photographiée sous toutes les coutures. À l’époque, le livre fit scandale au Japon.
« La puissante beauté des images, aussi mal à l’aise mettent-elles »
Puis vint la période des filles attachées, les grosses ficelles du kinbaku (un art ancestral japonais pour maitriser l’adversaire). Son adversaire ? De sublimes Japonaises qu’il attachait ! Cette période, particulièrement provocante, est devenue sa marque de fabrique et est à l’origine de sa reconnaissance mondiale. Mais elle a occulté un peu la beauté de l’ensemble de son travail qu’on peut découvrir maintenant au musée Guimet. Comme ces fleurs ! Des photos de fleurs de cimetière qu’il a rendues presque sexuelles. Elles font écho avec ses photos sexuellement explicites dans lesquelles le regard des filles attachées est souvent comme éteint, presque mort, point de lubricité. Des fleurs fanées ? On se promène dans le kaléidoscope de photos de Araki comme dans un cimetière des sensations, des sentiments. Dans Madame Bovary enchaînée ou l’art martial d’Araki (quel titre!), Sophie Makariou explique : « Non, il n’y a pas de violence des images, il y a au-delà, pour qui s’intéresse à “Araki fait œuvre” à regarder. On est alors saisi par la puissante beauté des images, aussi mal à l’aise mettent-elles. »
« Mon tombeau poétique est ici ! »
« Cette exposition, c'est comme ma tombe ! », a expliqué Araki qui se sent mourir. Alors il a ri à la proposition d’exposition rétrospective du musée Guimet et a fait une dernière pirouette : « Je vais faire mon tombeau poétique ici ! » C’est le sujet de la dernière pièce du musée : Tokyo tombeau. Gustave Courbet japonais, Araki semble triturer L’Origine du monde dans tous les sens avec malice et surtout esthétisme. Si l’appareil photo peut parfois devenir une arme et permettre de faire mourir l’instant, alors Araki est un samouraï pornographe de la photographie.
■ Carte blanche à Shouchiku Tanabe, du 13 avril au 19 septembre 2016
A ne pas manquer, au dernier étage du musée Guimet, la sculpture en bambou du Japonais Shouchiku Tanabe, maître de bambou.
Cinq formes organiques sont représentées dans ce travail contemporain éphémère : la terre, l’eau, le feu, le vent et le vide. Le vide semble son inspiration qu’il remplit ici de 8 000 tiges de bambou tigré (torachiku). « J’utilise les techniques du maillage hexagonale », explique Shouchiku Tanabe, héritier d’une famille de sculpteur de bambou. Il est venu pour l’occasion avec son producteur de bambou tigré qu’on ne trouve que dans une région spécifique du Japon. Le bambou est l'incarnation de l’esthétique japonaise et ici il semble s’envoler vers le ciel. Un moment très zen...
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