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terça-feira, 7 de abril de 2015

Pierre Boulez : son œuvre totale sacrée au musée de la Musique

Le créateur de l'Ircam vient de célébrer ses 90 ans. Compositeur, chef d'orchestre, éclaireur, il a définitivement marqué le XXe siècle musical. Une exposition rend hommage à ses multiples talents.

Pierre Boulez dirigeant un orchestre dans les années 1970. 
« Vous êtes le type qui nous a le mieux compris, un phare dans notre chaos », écrit à Pierre Boulez le compositeur belge Henri Pousseur, l'un de ses frères d'armes dans les combats de l'avant-garde sérielle, au tout début des années 1950. Et pour illustrer son propos, le futur auteur de Votre Faust dessine dans la marge un phare, le phare Boulez, au milieu de flots où surnagent des épaves étiquetées Igor Stravinsky, Darius Milhaud... Le père de L'Oiseau de feu ? Celui du Boeuf sur le toit ? Coulés.

Empreinte féconde et multiple

Ce document savoureux fait partie des nombreux trésors réunis dans l'exposition que le musée de la Musique consacre à l'auteur de Répons, à l'occasion de son 90e anniversaire. Au coeur de cette Cité de la musique dont il a conçu et défendu le projet. A deux pas de la Philharmonie, cette nouvelle salle de concert ultramoderne pour laquelle il a si obstinément milité. Joli coup double. On ne pouvait faire moins. Alors que sa santé l'empêche d'être présent à Paris pour recevoir cet hommage, Pierre Boulez demeure l'une des personnalités artistiques qui ont dominé toute la seconde moitié du 20e siècle musical. Tant en France qu'à l'étranger, il a marqué son époque d'une empreinte aussi féconde que multiple.
A la fois comme compositeur (du Marteau sans maître àRépons et Sur incises) ; comme créateur d'institutions (l'Ircam) et organisateur de la vie musicale (l'Ensemble intercontemporain) ; comme chef d'orchestre (à Londres, à New York, aux festivals de Bayreuth, de Salzbourg, d'Aix-en-Provence) ; enfin comme passeur d'expériences (master class à Bâle, à Lucerne) et penseur de savoirs (chaire « invention, technique et langage en musique » au Collège de France).

Liquider le passé

A grand renfort de manuscrits, tableaux, photographies, vidéos d'interviews — pour la partie visuelle —, d'extraits musicaux d'œuvres ou de concerts — pour le parcours sonore, au casque —, l'exposition circonscrit chacun de ces domaines d'activité, sans rompre le fil chronologique. Et de l'arrivée à Paris, en 1943, jusqu'aux dernières académies de jeunes musiciens, au festival d'été de Lucerne, en 2008, il y a de quoi débobiner. C'est peut-être sur les premières années parisiennes du jeune Boulez — la fin de ses études, le début de sa carrière d'interprète et de créateur — que l'exposition projette l'éclairage le plus révélateur. Arrêt de la guerre, libération du pays et reconstruction de la vie publique : de cette période lointaine, mal connue ou peu explorée, on peine à reconstituer le climat électrique, à s'imaginer les enjeux et les luttes.
L'exposition inscrit à son fronton une phrase du peintre Fernand Léger, de retour des Etats-Unis, où il a fui l'occupation allemande, et qui donne le la : « Nous vivons une époque dangereuse et magnifique dans laquelle s'enlacent désespérément la fin d'un monde et la naissance d'un autre. »Dans le Paris de l'après-guerre, tout est à rebâtir sur des fondations nouvelles. Arrivé de Lyon, où il a renoncé à préparer le concours d'entrée à Polytechnique, Pierre Boulez s'installe dans la capitale en 1943 avec un formidable appétit de découvertes, une urgence violente à liquider le passé, à rattraper le temps perdu.
« Aime la musique moderne », note Olivier Messiaen, lorsqu'il reçoit son futur élève, sur son agenda de 1944 — précieuse relique, déposée sous clé dans une vitrine. Les rythmes du Sacre du printemps, de Stravinsky (dans la classe de Messiaen), le dodécaphonisme de Schoenberg (chez le chef d'orchestre René Leibowitz), sont analysés et assimilés en un temps record. « Je dors vite », confiera plus tard Pierre Boulez au jeune chef suisse Michel Tabachnik, son assistant à Londres. Il emmagasine de même.
L'exposition permet aussi de mesurer la fascination et l'ascendant inconditionnel que, dès le début, la personnalité intellectuelle de Boulez exerce sur ses proches. A commencer par Jean-Louis Barrault, qui lui offre dès 1946 son premier poste de chef, dans la fosse du Théâtre Marigny, avant de lui prêter la salle pour les concerts du Domaine musical, en 1954 : « Derrière sa sauvagerie anarchiste, nous sentions la pudeur extrême d'un tempérament rare, une sensibilité à fleur de peau, voire une sentimentalité secrète. » « C'est le seul musicien de nos jours, les autres ne valent plus rien », renchérit l'Américain John Cage, dans une lettre de 1949 à Pierre Souvtchinsky, un Russe familier d'Igor Stravinsky et l'un des soutiens les plus actifs du jeune musicien.
L'avidité culturelle de Pierre Boulez ne s'est jamais limitée à la seule musique. Dès 1947, année de sa Sonatine pour flûte et piano, le compositeur assiste à une conférence d'Antonin Artaud (assis au pied de l'estrade où l'écrivain profère ses glossolalies), rencontre René Char, dont il utilisera les poèmes à trois reprises, découvre à Avignon, dans une exposition du palais des Papes, des tableaux de Paul Klee, dont les cours au Bauhaus, lus sur la recommandation de Karlheinz Stockhausen, constituent pour le Français un parfait manuel de composition.
Le meilleur d'une personnalité se forge autour des 20 ans, a toujours soutenu l'auteur du Marteau sans maître. Entre 1945 et 1950, entre les Douze Notations pour piano et la Deuxième Sonate, se construit le Boulez définitif, en mouvement perpétuel, à la fois solitaire et solidaire, virulent et méditatif, public et secret. Aux multiples pans de son activité font écho les panneaux labyrinthiques de sa musique. Que le parcours de sa carrière invite à celui de sa musique n'est pas l'un des moindres charmes ni des moindres mérites de cette exposition passionnante.
fonte: @edisonmariotti #edisonmariotti http://www.telerama.fr/musique/pierre-boulez,124718.php

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