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sábado, 5 de dezembro de 2015

Toucher les œuvres en 3D dans les musées. Une fausse bonne idée pour les aveugles et malvoyants?

CULTURE - Les musées débordent d’imagination pour attirer les aveugles et les malvoyants. A Madrid, l’exposition “Hoy toca el Prado” proposait de toucher 6 reproductions en relief de tableaux du Gréco, Goya et Vinci. Aux Pays-Bas, le musée Van Gogh a élaboré des copies en trois dimensions des principales peintures de l’artiste qui mettent non pas le dessin en relief, mais ses coups de pinceaux. Plus récemment, le projet Unseen Art propose un système de réduction des coûts de l’impression d’oeuvres en 3D.



En France, depuis la “loi musées de France” de 2002 et la “loi handicap” de 2005, les lieux culturels ont l’obligation de mettre en place des accueils spécialisés et des visites accessibles à toutes personnes présentant un handicap. Le Louvre a ouvert sa galerie tactile, de nombreux autres musées proposent des oeuvres à toucher.

Les aveugles et les malvoyants sont-ils heureux de ces initiatives? Est-ce que cela leur plaît de toucher les oeuvres? Nous avons posé la question à plusieurs personnes ayant des troubles visuels et à ceux qui les accompagnent. Certaines de leurs réponses sont surprenantes.
Le musée madrilène du Prado a consacré une galerie entière aux déficients visuels.



"En touchant des oeuvres, je retrouve des choses vues quand j'étais enfant"

Guy Latreille est aveugle depuis une soixantaine d’années. Il est né voyant. Grand amateur d’art, il est aussi administrateur de l’Union nationale des aveugles et déficients visuels de France (Unadev). Il explique au HuffPost: “Pour les peintures 3D, sentir les formes sous les mains est prioritaire, contrairement aux coups de pinceau. Ceux-là sont réservés à ceux qui ont envie de découvrir la peinture dans le détail, notamment l’art moderne dont l’exécution fait partie de l’oeuvre.”

Au Louvre, il a particulièrement apprécié la galerie tactile, surtout la possibilité de visiter le musée le mardi, jour de fermeture officielle: “Chaque semaine, avec mon groupe, nous avions le musée rien que pour nous. On en a bien profité, on n’était pas pris par le temps. Lors d’une expo sur Touthankhamon, on a eu le droit de toucher les statues grecques. C’est un souvenir inoubliable.”

“En touchant des oeuvres, je réussis à retrouver des choses vues quand j’étais enfant, c’est assez appréciable”, raconte Nicolas Caraty non-voyant depuis ses 14 ans. Initié à l’art dès son plus jeune âge, il est devenu guide au musée d’Aquitaine à Bordeaux. Il précise: “Toucher ne suffit pas, il faut aussi que le guide fasse vivre la pièce, la commente, la rende attractive. Il a un grand rôle à jouer dans la transmission de l’émotion.”

Mais les guides n’ont pas encore trouvé le bon ton. L’animateur de sorties culturelles, Pierre Duvinage, explique: “Tous n’ont pas envie de remplacer leurs yeux par leurs mains. Les malvoyants ont tous un profil différent, l’éventail est large entre les non-voyants de naissance et les mal-voyants tardifs. Je me souviens d’une visite à Bordeaux sous la flèche de Saint-Michel, une guide a proposé à mon groupe de toucher une des pierres accessibles. Ils l’ont fait par politesse, pour ne pas la vexer, en réalité, toucher cette pierre les a plus blasés qu’autre chose.”

La galerie tactile du Louvre a ouvert ses portes en 1995.



“Où est le plaisir de toucher une reproduction en plastique?”

Pierre Duvinage écume les expos de sa région avec ses groupes de malvoyants. A la longue, ils lui ont avoué que les morceaux de béton ne provoquaient pas toujours l’émotion attendue. Certains lui ont même demandé d’arrêter de vouloir leur faire toucher des oeuvres. “Ils le vivent parfois comme une injonction, précise-t-il. Comme s’ils n’étaient pas capables de les apprécier autrement. Et puis, quand on a à faire à une reproduction, en plastique parfois, où est le plaisir?”. “On oublie aussi que certains sont diabétiques, ajoute l’accompagnateur, ils ont donc le bout des doigts désensibilisés par la maladie et n’ont pas envie d’effleurer quoi que ce soit.”

Tout aussi dubitative, Nadine Dutier, ergothérapeute auprès de la Fédération des aveugles de France, explique: “Les peintures en relief qui ont été présentées au Prado cette année sont une vraie catastrophe. Une oeuvre en 2D n’a pas vocation à être mise en 3D. Le rendu ne sera jamais le même. Les gens risquent de s’approprier une fausse représentation de l’oeuvre”.

De son côté, le guide non-voyant Nicolas Caraty est moins péremptoire, il apporte juste un bémol aux tableaux en relief: “un non-voyant de naissance n’a pas toujours la culture visuelle nécessaire pour comprendre des tableaux. Il faudrait qu’ils soient très bien légendés en braille dans les audio-guides pour que la 3D ait un réel impact."

Cependant, tous s’accordent à dire que chaque initiative est bonne à prendre dans un monde si peu adapté aux déficients visuels.

Au musée Van Gogh d'Amsterdam, plusieurs oeuvres du maître ont été reproduites en 3D en suivant ses coups de pinceaux.



"Le guide doit exprimer ses émotions"

Des solutions, il en existe. L’ergothérapeute organise des formations de guides pour public aveugle ou mal-voyant. Dernièrement, elle a proposé au musée d’Orsay à Paris de raconter l’histoire d’une oeuvre impressionniste sur une musique de Debussy pour donner un élan à des explications monocordes. “Le travail autour du conférencier est fondamental, explique-t-elle. Il doit exprimer ses émotions, dire pourquoi il aime ou non telle ou telle oeuvre. La projection des visiteurs est alors immédiate et l’écoute active.” L’accompagnateur Pierre Duvinage essaye également de “sensibiliser les guides pour qu’ils théâtralisent leurs explications au maximum.”

De son côté, Guy Latreille, non-voyant, planche sur des solutions pratiques. Il a contribué à la conception de tables d’orientation tactiles à Bordeaux commandées par la mairie. Idem pour celle du bassin d’Arcachon. Son concepteur a réalisé 5 maquettes pour que Guy désigne la plus convaincante. Son expertise est arrivée jusqu’aux oreilles d’un musée letton. Il s’est rendu à Riga en 2015 pour expliquer à quel point la qualité de la texture était importante quand il s'agit d’oeuvres tactiles. “Privilégiez le plexiglas, la résine, le bronze, leur a-t-il dit, ces matières sauront donner vie à l’invisible”.







Cultura e conhecimento são ingredientes essenciais para a sociedade.

Vamos compartilhar.




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