Le Musée des Augustins, à Toulouse, exhume 70 toiles, parfois monumentales, de cet artiste salonnard, émule de Delacroix.
Photo © RMN-Grand Palais / Philippe Bernard
Intérieur de harem au Maroc par Benjamin-Constant, représentation quelque peu fantasmée de beautés orientales.
Photo © RMN-Grand Palais / Philippe Bernard
Intérieur de harem au Maroc par Benjamin-Constant, représentation quelque peu fantasmée de beautés orientales.
Qui se souvient de Benjamin-Constant, non pas l’écrivain, mais le peintre ? Le Musée des Augustins de Toulouse
Photo © RMN-Grand Palais / Philippe Bernard
Intérieur de harem au Maroc par Benjamin-Constant, représentation quelque peu fantasmée de beautés orientales.
Photo © RMN-Grand Palais / Philippe Bernard
Intérieur de harem au Maroc par Benjamin-Constant, représentation quelque peu fantasmée de beautés orientales.
Qui se souvient de Benjamin-Constant, non pas l’écrivain, mais le peintre ? Le Musée des Augustins de Toulouse
rend hommage à cet artiste orientaliste de la deuxième moitié du XIXe siècle, largement oublié. Près de 70 de ses peintures ont été réunies, parmi lesquelles beaucoup dormaient en réserve au Petit Palais ou à Besançon. De grandes toiles roulées ont été restaurées pour l’occasion.
Le parcours révèle un brillant salonnard qui ne lésine pas sur les formats monumentaux pour se faire repérer et acheter par l’État. En 1876, son Entrée du sultan Mehmet II à Constantinople, le 29 mai 1453 (7 mètres de haut !)impressionne au Salon l’administration des Beaux-Arts qui l’acquiert pour Toulouse, ville où l’artiste a grandi. Deux ans plus tard, son Intérieur de harem au Maroc, largement inspiré de la Noce juive de Delacroix, est acheté à son tour et envoyé au Musée de Lille.
Voyages au Maroc
L’exemple de ce grand devancier incite Benjamin-Constant à voyager plusieurs fois au Maroc. L’exposition confronte leurs œuvres, et montre combien il s’éloigne du naturalisme plein d’empathie de son aîné au profit de compositions plus fabriquées, plus proches de ses amis Henri Regnault ou Mariano Fortuny.
Surtout, dans les formules qu’il répète en série, telles ses Terrasses à Tanger peuplées de beautés languides. Ses coloris éclatants, ses effets de matière, ses empâtements à la Rembrandt et ses rayons de soleil venant déflorer tout un harem, ses cadres ciselés de versets du Coran séduisent.
Mais ses modèles à la peau claire, fardés comme des cocottes, ses étoffes brillantes et ses bibelots hétéroclites basculent vite vers l’Orient de pacotille. Un précipité de fantasmes dans lequel la lascivité des femmes contraste avec la barbarie de coupeurs de têtes (Les Derniers Rebelles). Une justification parfaite de la mission civilisatrice de la France coloniale alors en plein essor.
ioloniste émérite, admirateur de Beethoven
L’écrivain Joris Karl Huysmans épinglera d’un bon mot cet « orientaliste des Batignolles », en référence à l’atelier de la rue Pigalle encombré de tapis et d’objets exotiques où Benjamin-Constant recevait sa clientèle entre un crocodile empaillé et une peau de tigre !
L’entregent de l’artiste et son mariage en secondes noces avec la fille du ministre Emmanuel Arago lui permettront d’obtenir plusieurs commandes de grands décors pour la Sorbonne, la gare d’Orsay, l’hôtel de ville de Paris et le Capitole à Toulouse.
Violoniste émérite, admirateur de Beethoven, il orne aussi le plafond de l’Opéra-Comique. Mais en 1889, son étoile pâlit. Ses Funérailles de l’émir font un flop au Salon. La critique leur trouve de « brillantes qualités de peintre » mais déplore leur manque d’émotion.
portraitiste mondain aux États-Unis et en Angleterre
Dès lors, aidé par son marchand, l’artiste se tourne vers une riche carrière de portraitiste mondain aux États-Unis et en Angleterre, obtenant même des commandes de la reine Victoria et du pape Léon XIII. Il démontre une fois encore son brio de « décorateur », magnifiant à l’occasion ses modèles par un tapis persan accordé à leur robe (La Cantatrice Emma Calvé).
Seul le tête-à-tête avec ses fils l’autorise à être plus sobre, à jouer d’un clair-obscur à la flamande où le sentiment soudain affleure. La flamme verte des yeux d’André luisant sur le noir d’ébène vaudra à son père, à 50 ans, sa première médaille d’or au Salon. Une récompense que ses grandes machines orientales n’auront jamais réussi à décrocher. SABINE GIGNOUX (à Toulouse)
(1) En partenariat avec le Musée des beaux-arts de Montréal. Jusqu’au 4 janvier. Rens.
Le parcours révèle un brillant salonnard qui ne lésine pas sur les formats monumentaux pour se faire repérer et acheter par l’État. En 1876, son Entrée du sultan Mehmet II à Constantinople, le 29 mai 1453 (7 mètres de haut !)impressionne au Salon l’administration des Beaux-Arts qui l’acquiert pour Toulouse, ville où l’artiste a grandi. Deux ans plus tard, son Intérieur de harem au Maroc, largement inspiré de la Noce juive de Delacroix, est acheté à son tour et envoyé au Musée de Lille.
Voyages au Maroc
L’exemple de ce grand devancier incite Benjamin-Constant à voyager plusieurs fois au Maroc. L’exposition confronte leurs œuvres, et montre combien il s’éloigne du naturalisme plein d’empathie de son aîné au profit de compositions plus fabriquées, plus proches de ses amis Henri Regnault ou Mariano Fortuny.
Surtout, dans les formules qu’il répète en série, telles ses Terrasses à Tanger peuplées de beautés languides. Ses coloris éclatants, ses effets de matière, ses empâtements à la Rembrandt et ses rayons de soleil venant déflorer tout un harem, ses cadres ciselés de versets du Coran séduisent.
Mais ses modèles à la peau claire, fardés comme des cocottes, ses étoffes brillantes et ses bibelots hétéroclites basculent vite vers l’Orient de pacotille. Un précipité de fantasmes dans lequel la lascivité des femmes contraste avec la barbarie de coupeurs de têtes (Les Derniers Rebelles). Une justification parfaite de la mission civilisatrice de la France coloniale alors en plein essor.
ioloniste émérite, admirateur de Beethoven
L’écrivain Joris Karl Huysmans épinglera d’un bon mot cet « orientaliste des Batignolles », en référence à l’atelier de la rue Pigalle encombré de tapis et d’objets exotiques où Benjamin-Constant recevait sa clientèle entre un crocodile empaillé et une peau de tigre !
L’entregent de l’artiste et son mariage en secondes noces avec la fille du ministre Emmanuel Arago lui permettront d’obtenir plusieurs commandes de grands décors pour la Sorbonne, la gare d’Orsay, l’hôtel de ville de Paris et le Capitole à Toulouse.
Violoniste émérite, admirateur de Beethoven, il orne aussi le plafond de l’Opéra-Comique. Mais en 1889, son étoile pâlit. Ses Funérailles de l’émir font un flop au Salon. La critique leur trouve de « brillantes qualités de peintre » mais déplore leur manque d’émotion.
portraitiste mondain aux États-Unis et en Angleterre
Dès lors, aidé par son marchand, l’artiste se tourne vers une riche carrière de portraitiste mondain aux États-Unis et en Angleterre, obtenant même des commandes de la reine Victoria et du pape Léon XIII. Il démontre une fois encore son brio de « décorateur », magnifiant à l’occasion ses modèles par un tapis persan accordé à leur robe (La Cantatrice Emma Calvé).
Seul le tête-à-tête avec ses fils l’autorise à être plus sobre, à jouer d’un clair-obscur à la flamande où le sentiment soudain affleure. La flamme verte des yeux d’André luisant sur le noir d’ébène vaudra à son père, à 50 ans, sa première médaille d’or au Salon. Une récompense que ses grandes machines orientales n’auront jamais réussi à décrocher. SABINE GIGNOUX (à Toulouse)
(1) En partenariat avec le Musée des beaux-arts de Montréal. Jusqu’au 4 janvier. Rens.
fonte: @edisonmariotti #edisonmariotti
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